La Petite Fabriek : un endroit « uniek »!

A deux pas de Tournai, le château de Beauregard, mieux connu sous le nom de château de Froyennes est un élégant édifice construit vers 1795. Une ferme au carré, située rue du Moulin, faisait partie du domaine : elle se résignait à perdre ses tuiles et à laisser la végétation l’envahir …jusqu’à ce qu’un valeureux…

Piet Decoster, un passe-frontières…

« Je suis né fin des années soixante à Avelgem, un village entre Courtrai, Audenarde et Tournai à côté d’Escanaffles. Quand tu traversais l’Escaut en venant d’Avelgem, tu étais directement en Wallonie. Mon papa travaillait dans le textile et était très engagé socialement. On venait souvent à Tournai où il avait fait son service militaire. C’est une ville qu’il aimait.

A vrai dire pour nous, c’était plus fréquent de venir à Tournai que d’aller à Courtrai ».

Comme l’Escaut qui coule entre les deux communautés linguistiques, Piet Decoster a la musique transfrontalière dans les veines. A 19 ans, le jeune avelgemois se lance dans l’organisation de concerts avec la maison de jeunes KRAK. « On proposait un festival chaque année « Krakrock » et on faisait beaucoup de publicité sur Tournai. C’était l’époque de la « Mauvaise Herbe » (un lieu de concert mythique dans les années 1980 à Tournai) et on avait notre petit réseau. On écoutait Radio 21. Après il y a eu une véritable scène électronique à Tournai, au bar « Le hangar » qui était assez underground.

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On allait à Lille aussi : en 1994, c’était le début de l’Aéronef à Euralille, un vrai boost pour nous parce qu’il existait une programmation que tu ne trouvais même pas à Bruxelles. On était dans un vrai « flow » que l’on ne trouvait pas dans les années 80 et 90 à Courtrai qui avait un esprit plus conservateur. J’ai eu mon permis de conduire en 1991 et on allait à la Fnac à Lille pour dénicher des CD que l’on ne trouvait pas à Courtrai ». C’est aussi à cette période que Piet et sa compagne s’installent une première fois à Tournai. Ils repartent brièvement deux ans en Flandres pour s’installer dans une maison familiale avant d’acheter une maison à Tournai, rue Beyaert. « Quand tu me demandes pourquoi j’aime vivre en Wallonie, c’est parce que c’est une région qui reste progressiste. Je ne me vois pas retourner en Flandres où la droite a 70% des voix. J’aime aussi beaucoup la Sainte Union, l’école où mes enfants vont, l’ambiance y est très « mixte ».

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Une vision culturelle musicale

« On a toujours travaillé dans la culture, dans la musique. A l’époque, début des années 2000, je travaillais à Courtrai à « De Kreun » (une salle de concert et de productions notamment) et de fil en aiguille on a crée, avec Trui Dewaele, notre propre ASBL « Via Lactea ». On a mis en place des projets transfrontaliers, même si ce n’était pas évident pour une petite structure comme la nôtre, avec des artistes venant des différentes régions, pas seulement de l’Eurométropole mais aussi des Balkans comme avec le projet de l’orchestre du Vetex et Balkan Banquets. Du coup, on avait besoin d’un endroit où concrétiser tous ces échanges puisque pas mal d’artistes venaient en résidence ».

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Une transformation en profondeur

« On voulait un lieu qui offre à la fois assez d’espace pour accueillir des artistes et pour développer nos propres projets. Et on a trouvé cette ferme en ruine ! » plaisante Piet Decoster.

Réveiller la belle endormie n’a pas été une mince affaire. Dès 2008, avec le bureau d’architectes « Arcadus », ils s’attaquent  à transformer les lieux. Ils gardent les volumes mais avec une créativité assumée y apportent un esprit à la fois brut et vintage. Salle de concert, espaces d’exposition, chambres, bar aux couleurs chaleureuses ponctuent les lieux.

Les « doux rêveurs » ont dû vaincre briques et toitures mais aussi la méfiance des habitants du village qui voyaient dans leur entreprise une menace à leur tranquillité. « C’est un réflexe que je constate à Tournai. Cette ville a une ambiguïté : d’un côté, j’ai le sentiment que c’est une ville très fermée qui n’aime pas être bousculée mais de l’autre côté, tu vois des initiatives d’ouverture comme avec l’accueil des réfugiés. Cette ville doit avoir plus d’ambition même s’il ne manque pas grand chose et qu’il y a déjà des tas de petites initiatives positives. Et pour en revenir à Froyennes, et à la Petite Fabriek, ce sont peut être les sœurs de la Sainte Union, voisines de la Petite Fabriek qui ont été les plus accueillantes ! Pour l’été prochain, on met en place avec les créateurs de l’atelier « Michel Dupont » un espace pique-nique accessible à tous, dans l’idée d’ouvrir l’espace, on verra… » ajoute Piet dans un clin d’œil.

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L’esprit de la petite Fabriek : une vraie plus-value

« C’est surtout un endroit où tu peux te retrouver dans une ambiance particulière, transfrontalière. Tu trouves toujours des gens d’autres coins, il y a toujours quelque chose qui se passe, ce n’est pas un lieu traditionnel, pas une salle classique de concert. Pourquoi la petite Fabriek ? Ca jongle avec les deux langues, pour dire qu’il y a des choses qui sont « produites » ici, qui bougent ».

A la Petite Fabriek, on croise aussi un public plus « mélangé » que celui habituellement présent lors d’événements à Tournai. « Ils viennent du Nord de la France, de Flandres et bien sûr aussi de la région mais ça dépend aussi des concerts que tu organises : les wallons sont plus populaires dans le bon sens du terme, plus ouverts par exemple à la musique du monde : on le voit lors des « Bar Mundial » où on propose régulièrement des groupes qui sortent des circuits habituels. Les flamands et sans doute aussi les français, qui ont un pouvoir d’achat plus fort, seront davantage là pour des événements qui présentent des créateurs, comme prochainement « le Bazar Magiek ». Il existe des réalités budgétaires différentes et c’est parfois difficile de s’ajuster ».

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Un grand regret et un espoir

Piet Decoster est un eurométropolitain dans l’âme et un citoyen du monde par conviction. « Malheureusement aujourd’hui, c’est devenu pratiquement impossible de rentrer encore un projet culturel au niveau européen. Je ne vais pas dire que l’économie n’est pas importante mais la culture reste un élément clé pour stimuler les collaborations transfrontalières. Et on est une des régions où ce n’est plus possible » déplore Piet « Mais ce n’est pas vraiment la faute de l’Europe, c’est aux élus de la région de défendre ces projets au niveau des fonds structurels. C’est à eux de déterminer si oui ou non la culture est une priorité ! C’est plus facile de faire glisser ces fonds vers le socio-économique».

Il ne faudrait pourtant pas perdre de vue que la culture reste encore le meilleur rempart contre les populismes et replis identitaires.

Aniko Ozorai


La Petite Fabriek

  • Rue du Moulin, 16
  • Froyennes (Tournai)
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Bazar Magiek

  • Carte blanche aux créateurs et amateurs de cuisine, originaire de la métropole européenne
  • Le 24/11 à partir de 14 :00
  • Le 25/11 à partir de 10 :00
  • Concert Grandview and Friends samedi à 20:00
  • Brunch de Boekenkok dimanche de 10:00 à 13:00
  • www.lapetitefabriek.be
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