Sail In Solidarity : l’aventure se doublera

Construire un voilier de la quille au sommet du mât avec des bénévoles, voilà l’idée un peu folle qu’a eu le tournaisien André Robberechts il y a plus de 10 ans. L’aventure se doublera d’une dimension humaine supplémentaire puisque le “Sail in Solidarity” emmènera, dès le printemps 2021, à son bord, des personnes handicapées ou…

L’appel de la mer 

« Avoir les pieds sur terre, c’est bien mais la mer, c’est l’évasion, le voyage, un bonheur… Que ce soit pour une petite course ou une grande traversée, c’est toujours la même sensation, quand on libère le bateau, qu’on lève les voiles, qu’on coupe le moteur, c’est fabuleux » André Robberrechts, pétillant septuagénaire, rayonne lorsqu’il est à la barre de son voilier. L’attrait de la mer pour ce photographe et ex patron de magasins dédiés à l’image remonte à l’enfance :  il s’émerveillait de voir l’Atlantique du bastingage du navire qui le ramenait avec sa famille du Congo en Belgique, après 3 jours de train pour traverser l’Afrique. Grand fan de Tintin, il a emprunté au héros d’Hergé le virus du voyage.  

Au bateau de l’enfance se sont ajoutées des voiles de la maturité, à la quarantaine, et depuis le dynamique entrepreneur n’a eu de cesse de faire partager sa passion.

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Une idée folle et un projet social

« Rien que l’acte de construire un bateau avec des adultes et des jeunes qui vont venir aider, découper, poncer, peindre puis naviguer vers l’Angleterre, l’Ecosse ou l’Irlande, c’est un élément fort » explique André. Le bateau aura une vocation sociale : lorsque l’on perd pied ou que l’horizon se rétrécit à cause de la maladie ou du handicap, le voilier qui emmène au large devient une école de vie. « C’est extrêmement formateur, du point de vue mental, physique… C’est une école d’anticipation, d’organisation, de partage de tâches, de vie en commun » 

La construction a démarré en janvier 2017. Une poignée de bénévoles de tous horizons prend ses quartiers dans un ancien hangar du chantier naval Plaquet à Péronnes au pied du Grand Large. Les pièces en bois, le puzzle du bateau, sont découpées chez Dario Dalla Valle à Péruwelz, une entreprise générale de construction qui met à disposition ses machines. De petits « matelots » sont venus aider André Robberechts pour cette opération : ils sont issus du home Delano de Péruwelz qui accueille une septantaine de jeunes, essentiellement français, présentant une déficience intellectuelle modérée ou des troubles du comportement. Geoffrey, Jonathan et Jordan ont fait preuve d’une attention et d’une implication à la hauteur de ce projet qui les fait rêver. « Je n’ai jamais fait de bateau à part le ferry … Je sais que ça va prendre beaucoup de temps pour le construire mais je suis prêt à patienter » explique Jordan et André ajoute « C’est fabuleux de voir déjà leurs sourires et leurs yeux briller »

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Quelques spécialistes au chevet du voilier 

L’équipage peut aussi compter sur un spécialiste : le tournaisien Timothée Deplasse est diplômé en aéronautique et compétiteur. Il pratique la voile à haut niveau depuis une quinzaine d’années, s’entraîne à Dunkerque et est moniteur de voile à Péronnes. « Initier des jeunes à la voile comme moniteur mais aussi les associer à la construction et puis à la navigation, c’est super intéressant » lance le jeune sportif. Timothée a apporté un vrai plus au niveau de la découpe et de la gestion des plans.  Et c’est un autre fana de voile qui est le papa du modèle reproduit « Le Classic 39 » : David Réard, architecte naval, débarque du Sud de la France un jour de mai 2017 pour examiner l’état d’avancement de la construction. 

«Ce ne sont pas les premiers fous que je rencontre, qui se ressemble s’assemble comme on dit » raconte en riant David Réard «et la passion n’a pas de frontières. A ce stade-ci, je trouve que c’est très sérieux, très propre, très précis que ce soit les découpes, les assemblages et les montages. Les alignements sont parfaits : pas 1mm d’écart sur une longueur de 12m. On a affaire à des gens motivés et le résultat est à la hauteur » Un commentaire qui a galvanisé les bénévoles…

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Les « galériens » du samedi qui se mouillent

Chaque samedi matin, qu’il fasse glacial ou étouffant de chaud dans le hangar, durant des mois et des mois, les bénévoles retroussent leurs manches et ne comptent plus leurs heures. Stéphane Duroisin, Jean-Paul Platevoet, Bertrand Thiébaut, Philippe Leclercq, menuisier, retraité, entrepreneur ou ingénieur, ils ont tous tâté de la voile, la pratiquent encore assidûment ou ont simplement été séduits par la dimension humaine du projet. Philippe explique que « ce n’est pas un travail de lutherie mais ça y ressemble : précision et soin sont les conditions de la fiabilité du bateau et parallèlement, cette action solidaire qui nécessite un véritable investissement me plonge au cœur du sujet » Jean-Paul, lui réalise un rêve « un rêve que j’ai toujours eu quand j’étais directeur d’une école technique et professionnelle à Mouscron, c’est-à-dire construire un bateau ou en faire avec des jeunes parce que la sortie en mer, c’est vraiment quelque chose qui apprend à vivre et à vivre ensemble »

Certaines étapes de la construction sont spectaculaires, d’autres plus fastidieuse mais l’enthousiasme toujours au rendez-vous.

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29 Janvier 2018 : journée décisive 

Ce samedi matin de fin janvier, une opération délicate s’annonce : la coque terminée va être retournée et tout est minutieusement préparé, calculé au millimètre et sécurisé. « Il y aura deux phases, le bateau sera sur le flanc à la verticale, puis l’autre quart de tour permettra de le mettre à plat à l’endroit » explique le « capitaine » à un groupe attentif. La concentration est palpable, tout le monde est attentif aux ordres de Timothée et André, chacun a son rôle à jouer et personne ne bouge de son poste. Le jeune Jordan est évidemment de l’aventure : « Depuis la découpe, je suis souvent venu pour poncer et ça a énormément changé : le bateau assemblé c’est super beau à voir ». 

« Le retournement c’est crucial, on y a bien réfléchi, on en a beaucoup rêvé » explique Timothée entre deux étapes. Pour tous, c’est un grand moment de tension mais surtout d’émotion. « C’est vraiment une naissance parce qu’après plus d’un an de gestation à l’envers, le voir à l’endroit, c’est vraiment une naissance. On a une équipe qui est fabuleuse, depuis un an, on s’est soudés » ajoute André ému.

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Et depuis ?

La quille a été coulée avec du plomb de récupération, les cloisons presque installées, le travail d’électricité prêt sur plan, la peinture intérieure programmée l’année prochaine. Le voilier sera mis une première fois à l’eau le 27 septembre 2020 puis acheminé via l’Escaut jusqu’au chantier naval de Nieuport qui lui offrira le mât. Les coups de pouce de ce genre sont nécessaires et l’équipe a également lancé un crowdfunding pour continuer à financer les équipements. Après l’hivernage, l’équipage espère tester le voilier en mer au printemps 2021… Chaque chose en son temps. 

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Un parrain de renom 

Le « Sail In Solidarity » pourra compter sur un parrain de choix pour cet évènement. Le comédien et humoriste français, Danny Boon qui a fait ses études à St Luc Tournai avant de faire carrière sur scène et au cinéma a accepté d’être le parrain de ce voilier décidément pas comme les autres ! « La moitié de la valeur du voilier, c’est le capital main d’oeuvre et pour le reste, nous récolterons des intérêts… des intérêts humains » conclut André Robberechts.

Aniko Ozorai

Info

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