Nathan, « serial buteur » au KV Kortrijk

Même si les conditions d’accès (choix et financement) aux différentes disciplines du sport se sont fortement démocratisées, la pratique du sport en élite demande à « bouger » à chercher les meilleures opportunités. Suivons le parcours d’un jeune joueur de football de l’entité d’Antoing, près de Tournai et d’être à l’écoute de ses motivations profondes.

(photo en haut) Depuis la reprise fin juillet, 4 jours/semaine c’est le même scénario. Rendez-vous sur le parking du zoning d’Orcq pour assurer le covoiturage. Départ aujourd’hui à 13h00. Avec de gauche à droite ; Nathan, Fabio, Luciano et Auxence.

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Nathan Artisien

  • 11 ans
  • Domicilié à Antoing, Belgique
  • Points forts : Redoutable manieur de ballon / Grand « cœur »
  • Ce qu’il apprécie le plus chez ses amis : Leur disponibilité à jouer avec lui
  • Ce qu’il déteste par-dessus tout : Perdre

En route pour l’entraînement quotidien

Nathan Artisien a fait le choix de faire confiance au KVK pour poursuivre son écolage de sportif de haut niveau. Il s’est « expatrié » pour assouvir sa soif d’apprendre à jouer au football, pour donner un sens à sa vie en faisant de sa passion un des moteurs de son développement. 

Nous l’avons retrouvé un mercredi du mois d’août au départ de son domicile accompagné de son papa et de quelques autres équipiers, francophones comme lui, pour prendre la route vers les installations sportives de l’Académie de football du KVK, à Weversstraat  à Kortrijk.

Le programme du jour prévoit un entraînement plus physique avec des ateliers de psychomotricité supervisés par une kiné, un travail spécifique de la souplesse et de musculation légère. Pour cette séance hebdomadaire, les joueurs âgés de 12, 13 et 14 ans sont regroupés. Nathan ajoute : « Heureusement à la fin, on termine avec un tournoi de petits matches entre nous. On peut se défouler ! » Nathan fait la route avec moi et répond à quelques-unes de mes questions.

Depuis quand joues-tu à Courtrai ? Comment y-es-tu arrivé ?

J’ai commencé le football très tôt à Antoing, au club de papa. Je jouais avec mes copains, c’était chouette ! A l’âge de 7 ans, des scouts du Royal Excel Mouscron ont demandé à papa que j’aille participer à des entraînements sur place. J’ai beaucoup aimé et je me suis affilié chez eux. Je suis resté deux saisons. Je me suis fait des nouveaux amis et l’ambiance était très bonne. Il  y a trois ans, c’est Courtrai qui a demandé que j’aille jouer chez eux. Papa m’a laissé le choix et puis, je ne pouvais pas refuser. J’étais fier que l’on vienne me chercher. Déjà à Mouscron je m’entraînais plus souvent, mais maintenant encore plus à Courtrai, et puis c’est plus « pro », plus sérieux. L’ambiance est géniale et le niveau est vraiment haut. C’est vraiment ce que je voulais. Je me suis fait plein de nouveaux amis, même des néerlandophones.

Comment ça se passe avec les néerlandophones ?

Très bien ! Au début, c’était un peu difficile. Mais les formateurs parlaient aussi le français. Et puis, je n’étais pas tout seul. D’autres francophones étaient avec moi. Très vite, j’ai fait connaissance avec des flamands. On a sympathisé et cela m’a aidé à parler de plus en plus leur langue.

Et maintenant, tu parles couramment le néerlandais ?

Couramment, non ! Mais je comprends presque tout. Pour parler comme eux, c’est plus difficile. Mais on échange dans les deux langues. Ils sont sympas ! Les formateurs aussi nous encouragent à apprendre. Ils expliquent en néerlandais et seulement en français quand on ne comprend pas. Et puis nos équipiers néerlandophones nous aident aussi.

L’année prochaine, je rentre au secondaire en première année et j’ai choisi d’aller à l’internat à Courtrai et à suivre l’enseignement en néerlandais.

Pourquoi as-tu fait ce choix-là ?

Ce sera plus facile pour m’entraîner tous les jours et puis je pourrai aussi m’entraîner pendant la journée. Maintenant, j’avais le choix de rester externe, de rester à la maison et de faire la route tous les jours. Mais je voulais suivre un maximum d’entraînement. J’ai des amis qui ont fait le même choix que moi, mais ils vont à l’internat à Comines pour suivre les cours en français.

Pourquoi, tu n’as pas fait comme eux ?

Avec quelques autres équipiers francophones, des bons amis, je veux vraiment continuer à apprendre le néerlandais. Je sens bien que c’est important pour je réussisse à Courtrai. Et puis, je souhaite apprendre un maximum de choses nouvelles. Je me réjouis de rentrer et de découvrir ma nouvelle école. Demain, je vais avec les parents rendre visite à l’internat et décorer ma chambre avec mes équipiers. Ҫa va être chouette !

Réussir à Courtrai, cela veut dire quoi ?

Continuer à progresser et à jouer le plus haut possible, peut-être arriver à jouer en « premières » plus tard… et jouer contre des grandes équipes. Ce que je préfère, ce sont les tournois auxquels on a participé la saison dernière. On a même joué à l’Inter de Milan. J’ai été élu meilleur joueur du tournoi. Mais pour le moment, le plus important pour moi, c’est de prendre simplement du plaisir à jouer au football et d’apprendre. On verra pour la suite. Et j’adore me faire des nouveaux amis !


L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, regroupant 147 localités belges et françaises, est un véritable atout pour la ville de Courtrai. Le KVK peut donc s’appuyer sur un territoire de 3 500 km carré, comptant plus de 2 100 000 habitants, au cœur de l’Europe et ouvert sur l’international. Le club s’appuie sur la qualité de ses infrastructures et l’organisation de son Académie de jeunes, pour conquérir une place de leader sur cette planète foot régionale… comme le font le Royal Excel Mouscron et le LOSC Lille, leurs « concurrents ».  


“It’s all about the player!”

Directement après avoir conduit Nathan au terrain où il a rejoint ses équipiers, je suis accueilli dans les bureaux administratifs de la KVK Jeugdacademie par Jelle Schelstraete. Jelle est délégué par Ceejee consulting en tant que Jeugd Manager pour superviser toute l’organisation de l’école de football du KVK. Il est parfait bilingue et répond en toute transparence à mes questions.

Quelles sont vos missions essentielles ?

La première mission de la KVK Jeugdacademie consiste à amener un maximum de jeunes joueurs via la post-formation au noyau de l’équipe professionnelle. Mais nous voulons y arriver en privilégiant
l’acquisition pour chacun d’une bonne dose de connaissance de soi. L’Académie de jeunes du KVK veut donner une éducation complète et « solide », à des enfants qui veulent jouer au football de manière responsable. Nous nous rendons compte que cela fonctionne avec des enfants / jeunes que l’on doit considérer comme des futurs adultes, et c’est pour cela que nous accordons une attention particulière au développement global de la personnalité de chaque joueur. Le slogan qui accompagne notre logo est très « parlant » à cet égard : “It’s all about the player!”

Le projet est ambitieux et quels sont les moyens sur lesquels vous vous appuyez pour atteindre ces objectifs ?

Afin de pouvoir jouer le football du futur, la KVK Jeugdacademie souhaite offrir une formation solide aux jeunes joueurs. Le recrutement de bons formateurs requiert toute notre attention. Elle veut aussi créer des conditions (life style) dans lesquelles les enfants et les jeunes se sentent comme « chez eux » et qu’ils apprécient donc de venir au foot. Le FUN doit être au cœur des activités.

Mais en même temps, nous accordons une vigilance particulière au projet  scolaire du jeune. Nous voulons avoir une vision globale du développement de l’individu, pas uniquement sportive, même si c’est notre « cœur de métier ».

Nous développons déjà depuis plusieurs années des partenariats avec des écoles pour permettre plus facilement aux jeunes de concilier foot et études. Nous souhaitons aller plus loin, mais nous devons avancer avec prudence et avec les moyens qui sont donnés à nos partenaires pour rencontrer nos attentes. Les jeunes joueurs de football du niveau « élite » ont un programme très « lourd ». En plus de leurs leçons, ils s’entraînent pratiquement toutes les fins de journée, ce qui leur laisse peu de temps pour se reposer et se détendre. Beaucoup d’entre eux sont occupés de 6 heures à 22 heures. Nous cherchons avec nos partenaires des solutions de manière pragmatique pour aménager la meilleure programmation du temps possible.

Ainsi après des années de collaboration avec Atheneum Pottelberg, où les joueurs ont bénéficié de deux heures d’entraînement supplémentaires deux fois par semaine, KV Kortrijk va encore plus loin cette saison avec d’autres partenaires. Avec Athena (GO) et les campus Pottelberg, Heule et Drie Hofsteden, RHIZO avec les campus Man and Society, Hotelschool, Lyceum OLV Vlaanderen et Sportschool Kortrijk et Saint Henri à Comines (en langue française), participent désormais au projet. Un hébergement dans des internats scolaires est également disponible.

Vous accueillez beaucoup de francophones ?

Beaucoup, c’est beaucoup dire ! Mais par exemple aujourd’hui pour la séance d’entraînement qui concerne la cinquantaine de joueurs U 10, U11 et U 13, ils devraient être une dizaine.

Nos formateurs sont quasi tous bilingues. Nous développons une attitude qui donne la préférence à l’utilisation progressive du néerlandais. La traduction est proposée régulièrement si nécessaire, mais les formateurs demandent prioritairement aux joueurs néerlandophones d’aider leurs équipiers francophones.

Ne croyez pas non plus que cela va uniquement dans un sens. Nous encourageons également nos joueurs flamands à parler français. Nous développons par exemple plusieurs fois par an des échanges entre familles francophones et flamandes.  Les enfants vont respectivement loger quelques jours les uns chez les autres. 4 à 5 fois l’année, nous organisons aussi des activités de découverte entre nous et parfois avec les parents. C’est le « vivre ensemble » qui est privilégié. Un club de football est davantage qu’un projet d’entreprise. Un club de football doit pouvoir jouer un rôle important au sein de sa communauté locale et rassembler les gens venant de tout horizon. 

Est-ce que le choix privilégié des jeunes pour l’anglais ou l’espagnol comme la première langue étrangère à suivre dans le cadre des études ne se vérifie pas comme un handicap pour votre projet ?

Le danger existe, mais on ne ressent pas encore trop aujourd’hui l’impact de ces choix privilégiés. A nos yeux, la seconde langue du pays devrait être prioritaire à apprendre.

Une initiative récente vous aide également à vous faire connaître en région wallonne. Vous pouvez la décrire ?

La KVK École Technique fait partie du KVK Evolution Center. Le KVK Evolution Center soutient le football régional au nom de la KVK Jeugdacademie : autant les clubs, les entraîneurs que les joueurs ! Pour les joueurs cela se fait pendant les vacances scolaires mais aussi durant la saison du championnat, et dans différents lieux : à Courtrai et dans les environs et en Wallonie à Monceau et Antoing pour le moment. Nous cherchons à étendre cette initiative à d’autres localités.

Avec ce concept, nous voulons offrir des possibilités d’entraînements supplémentaires aux jeunes des U7 (°2013) aux U12 (°2008) compris. Les joueurs doivent se développer dans un environnement de confiance, au sein de leur propre club,  aussi longtemps que possible. Les Écoles Techniques sont un moyen d’y arriver. De plus, c’est une possibilité idéale pour les joueurs de connaître la méthode KVK Espace & Rythme – le fil rouge de la formation Elite de la KVK Jeugdacademie. Les inscrits sont répartis dans différents groupes de niveau et s’entraînent toutes les semaines une petite heure (ou plus) sous la direction des formateurs de réseau KVK, à l’intérieur ou sur un terrain synthétique.

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Durant l’entretien avec Jelle, la cinquantaine de joueurs U 12, U 13 et u 14 participaient avec concentration et sérieux aux ateliers proposés par leurs formateurs, au nombre de 7 en plus de la Kiné.


« Nous formons nos joueurs de la manière la plus large possible »

L’entraîneur Davy Vandromme travaille depuis 5 ans dans le projet en tant que formateur en plus d’être le coordinateur des infrastructures. Il nous donne son point de vue personnel sur son rôle au sein de l’organisation.

« Nous formons nos joueurs de la manière la plus large possible », commence Davy. « Nous essayons de faire une différence pour eux à cet égard : c’est à la fois en termes de football et de nutrition, mais en réalité tout ce qui va avec. Sur le plan personnel, ils reçoivent une attitude que nous leur proposons, mais qu’ils l’adoptent en fonction  de leur propre personnalité. Nous veillons également à ce qu’ils ne négligent pas les cours. L’atmosphère est très bonne et nous travaillons de manière très ouverte et transparente », poursuit le formateur. « L’un des avantages est que vous n’êtes pas mis dans une boîte et que vous pouvez exprimer vos propres idées. De cette façon, diverses nouvelles choses peuvent être ajoutées. Cela n’est peut-être pas évident au début, mais nous constatons que cela porte ses fruits à long terme. À la fin de la journée, Davy a à cœur l’appréciation des joueurs et des parents.  « Nous avons souvent des gens qui sont très reconnaissants des opportunités qu’ils obtiennent ici et vous en tirez satisfaction », conclut-il. « Il m’est vite apparu très clairement que je voulais travailler avec les jeunes. Il y a beaucoup plus de satisfaction et dans ce club, il est important que nous puissions voir les jeunes joueurs prospérer. “

Une fois l’entraînement terminé, Nathan vient me chercher pour que je puisse assister à sa séance de POP en PAP… en fait c’est l’appellation de leur évaluation hebdomadaire avec leur coach, Kevin Taveirne.

Cet échange très court se base sur des observations retenues par Kevin dans 5 domaines : Tactique / Technique / Physique / Mental / Life style (boire, manger, dormir et vie en communauté…). Kevin consigne sur un document (remis à la fin de l’entretien pour que l’enfant puisse le montrer aux parents et en discuter)  les points forts sur lesquels chacun peut s’appuyer pour poursuivre leur progression et bien entendu les points faibles à corriger ou à travailler. Il faut remarquer que l’entretien s’est déroulé essentiellement en français, mais les remarques écrites étaient rédigés dans les deux langues. Kevin ajoute : « Moi, je suis là pour révéler faire apparaître plus clairement des choses, mais c’est le jeune qui décide, qui se prend en mains… »

Les échanges m’ont permis de vérifier que les propos que Jelle m’avait livrés sur l’identité et la vision même de la Jeugdacademie ne sont pas « lettres mortes ». C’est avec un grand sens pédagogique et une grande qualité d’écoute que Kevin a permis à Nathan d’exprimer son ressenti sur les points abordés. Très instructif !  

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Le lendemain, Nathan découvrait l’internat Internaat Kortrijk avec Ethan, Matthys et  Fabio, qui ont fait le même choix que lui. Le petit frère Maël accompagnait bien-sûr !

Visite à l’internat

Pour Nathan, c’était devenu une évidence. Le choix de l’internat s’imposait pour lui permettre de poursuivre dans les meilleures conditions sa formation sportive en même temps que d’assurer le suivi de ses études. Il rentre en secondaire et le choix de suivre son enseignement en néerlandais et d’aller dans un internat à Courtrai, il l’assume pleinement du haut de ses 12 ans. Maintenant engager ce choix avec ses amis, « c’est top » comme il dit.

Mais que disent ses parents sur ces choix ?

Adeline, la maman : « Nous respectons le choix de Nathan qui malgré son jeune âge sait très bien ce qu’il veut. Mais nous sommes surtout tranquilles et confiants, son papa et moi, L’accueil à Internaat kortrijk était super. Et puis Davy Vandromme qui accompagnait nous a présenté le programme des premières semaines où la priorité sera donnée à l’intégration des enfants à leur nouvel univers : école et internat. De plus, le club délègue un éducateur, Kurt : un student coach, comme il l’appelle. C’est lui qui doit superviser les devoirs des enfants. Tout est en place pour que les études soient bien encadrées. » Le papa, Steve, poursuit : « Je suis serein… et fier de mon garçon. Mais surtout, je veux qu’il soit bien. Et comme je le regarde vivre, je suis apaisé de ce côté. »

« Bien sûr, cela n’a pas été toujours facile » ajoute la maman. « Je me rappelle les nombreux déplacements à Mouscron avec le petit frère en bas âge, endormi dans la voiture sur le parking… mais ces sacrifices que nous devons continuer à faire sont largement compensés. Par exemple son départ à l’internat et celui de poursuivre ses études en néerlandais, ce sont ses choix. Mais s’il fallait le faire, c’est aussi le bon moment puisqu’il passe du primaire au secondaire. Le néerlandais, quoiqu’il arrive pour sa réussite dans le football plus tard, ce sera du bonus pour son avenir. »

Puissent comme Nathan beaucoup d’autres jeunes arriver à assouvir leur soif de pratiquer leur sport favori et à se développer harmonieusement en dehors de leur milieu de vie d’origine. Qu’ils découvrent, progressent et apprennent à partir des diversités rencontrées, s’enrichissent d’une autre culture en apprenant en plus une langue étrangère. La pratique d’un sport à un haut niveau et son apprentissage demande des sacrifices et des efforts. Comme par exemple s’éloigner un peu plus tôt de son bassin de vie, mais cela apporte aussi plus rapidement autonomie, responsabilité et ouverture.

Les joueurs francophones sont rassemblés pour leur cri de guerre : « FORZA FORZA KVK ! »

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