« Il s’agit de rassembler les gens par-delà les frontières nationales », expliquent Lander et Bram, les fondateurs de l’asbl Westanglia. Et ils le font avec succès. Chaque premier jeudi du mois, ils proposent leur concept désormais bien connu de Cinés Soirées. Au programme du jour : « Petit Paysan », un film d’Hubert Charuel.
Malgré la grosse averse qui s’abat sur Dranouter, les gens arrivent au compte-gouttes au café-restaurant De Barbier. Il y règne une atmosphère de gaieté et les langues française et néerlandaise se mélangent dans une mélodieuse confusion. La radio est réglée sur la fréquence de Klara et je ne peux que rêver de l’habileté avec laquelle les organisateurs jonglent avec le néerlandais et le français.

C’est ici même à De Barbier qu’il y a treize ans, Lander et Bram ont griffonné sur des sous-verre leurs idées pour un projet culturel qui estomperait la frontière franco-belge. À ses débuts, l’asbl s’appelait Covy et Vanhaelst, mais a rapidement été rebaptisée Westanglia, le terme anglais qui désigne le Westhoek et est plus facile à prononcer en néerlandais et en français. Avec cette association sans but lucratif, ils tentent de proposer une offre culturelle de qualité pour un public français et flamand de la région de Heuvelland/Bailleul. Ils veulent ainsi montrer que la région est vivante, rassembler les gens par-delà les frontières et maintenir la culture rurale. « Avant, au moment où nous avons créé notre asbl, presque personne ne franchissait la frontière, alors qu’elle ne se trouvait pourtant qu’à quelques centaines de mètres. Nous voulions remédier à cela. » Ils y sont parvenus au sein de l’organisation, qui dispose désormais d’une direction franco-belge. Leur démarche a également été déterminante pour leur vie privée. Les hommes à l’origine de l’association ont fait connaissance quand Bram est venu, comme jardinier, bricoler chez les parents de Lander. De son côté, Lander buvait des bières avec des amis dans ce même jardin. Et ce qui devait arriver arriva. « Bram a dû se dire que j’étais un fainéant », plaisante Lander. Mais plus tard dans la soirée, c’était au tour de ce dernier d’aller travailler, à De Barbier. Aujourd’hui, il y passe tous les vendredis avec ses deux filles, avant que son épouse originaire du Nord de la France ne revienne de Lille où elle travaille.

Les Cinés Soirées
De Barbier semble être le cœur vivant de Westanglia. C’est dans cet accueillant café populaire que sont organisées « les Cinés Soirées ». Le concept est simple. Un film est projeté sur un écran et, avant cela, il est possible de manger de délicieuses frites à la Barbier. « Lors de la toute première Ciné Soirée, seules quatre personnes sont venues, uniquement des amis néerlandophones », confie Lander en riant. Les choses ont bien changé aujourd’hui. Les séances de projection sont chaque fois complètes et, même si les soirées cinéma attirent un public un peu plus âgé, elles sont toujours très variées. « En travaillant avec des organisations françaises, poursuit Lander, nous avons de plus en plus réussi ces dernières années à attirer des personnes venant de l’autre côté de la frontière. » Pour les Français, la culture des estaminets est l’un des facteurs d’attractivité de l’asbl Westanglia. Ils s’en souviennent de l’époque où leurs parents passaient la frontière pour venir travailler et ils essaient de la préserver. Il a fallu quelque temps avant que la coopération avec les organisations françaises se mette en place. « Il y a une véritable différence culturelle », explique Lander. « Avec nous, un accord, c’est un accord. À cet égard, les organisations françaises sont beaucoup plus nonchalantes. Nous avons vraiment évolué ensemble sur ce point. Même si tout le monde fait de son mieux, la langue reste malheureusement la principale barrière. »

Ce soir, ils ont préparé pour nous « Petit Paysan ». Lander regarde toujours les films à l’avance avec sa femme. « Pour être sûr qu’il est bon. » Le genre du film n’a pas tellement d’importance, mais ils essaient toujours d’alterner entre films en néerlandais et en français. En juillet, pour l’été, la programmation est un peu plus légère. Ils proposent dès lors à leurs visiteurs une gentille petite comédie en terrasse. Mais ce n’est donc pas le cas aujourd’hui. Tout le monde cherche une place – toutes les chaises sont réservées nominativement – dans le café bondé, tandis que Lander et Bram présentent le film en français et en néerlandais. « Petit Paysan » raconte l’histoire de Pierre, jeune agriculteur qui, lorsqu’il découvre qu’une de ses vaches est atteinte d’une maladie contagieuse, fait tout son possible pour sauver son troupeau. « Les soirées cinéma attirent un public régulier, explique Lander, mais la composition de celui-ci varie néanmoins en fonction du sujet du film. C’est ce qui rend les choses passionnantes pour nous. » La situation n’est pas différente aujourd’hui. La projection a attiré beaucoup de personnes issues du monde agricole. Pour les Cinés Soirées, Lander et Bram cherchent toujours un lien avec la région. Sur le thème de l’agriculture, ce lien n’est pas difficile à trouver.

Miser sur le caractère durable
L’asbl Westanglia organise également de nombreux autres événements, dont bicycl’art, un projet artistique en collaboration avec l’asbl française Lapatine. L’agriculture est cependant un thème récurrent dans l’offre de Westanglia. Ainsi, ils organisent depuis quelques années Krachtboer, en collaboration avec Kobe Desramaults et l’asbl Lapatine. Avec le concept de Krachtboer, qui allie festival de musique, divertissements, marché fermier proposant des produits agricoles régionaux et nourriture de qualité préparée par les différentes équipes de cuisine, ainsi qu’un symposium agricole, Westanglia encourage la réflexion sur la direction que doit prendre pour l’agriculture. Avec cette initiative, l’association a été, aux côtés d’autres, à la base d’une tradition grandissante dans le Westhoek qui mise sur le caractère durable et veut jeter de nouveaux ponts entre le monde agricole et les habitants de la région.

Étant donné que l’agriculture durable doit être inclusive et ne peut être circonscrite par des frontières, Westanglia veut continuer à se concentrer sur ce thème à l’avenir. Quand je leur demande la direction qu’ils veulent prendre, ils me disent qu’ils souhaitent surtout sortir de leur zone de confort, continuer à nouer des contacts et coopérer avec des organisations françaises. « Il s’agit avant tout de remettre en question son propre cadre de réflexion », affirme Lander. « Mais peut-être que nous aurons un jour simplement envie d’aller à Ibiza. »
Margot Vanmarcke
Une réponse à “Westanglia : la culture comme passerelle”
[…] Non loin d’ici se trouve actuellement l’asbl Westanglia, qui vise à rassembler les gens… […]