Busabiclou : « Inciter plus de gens à rouler à vélo »

Busabiclou est un bus dans lequel vous pouvez apprendre à réparer vous-même votre vélo. Roulant au gaz, il fait halte lors d’événements et de marchés disséminés dans l’est de la métropole de Lille. Une initiative qui, en un an à peine, se révèle être un succès. « Nous avons le vent en poupe, explique l’instigateur du…

Samedi : jour de marché à Croix. Entre les étals de vêtements et de poulets, Mylène Farmer chante à tue-tête son tube Désenchantée. Les badauds lèvent les yeux quand ils aperçoivent un bus devant lequel se trouvent des vélos. « C’est nouveau, qu’est-ce que vous faites ? », demandent-ils aux collaborateurs en pleine réparation de vélos. Quelques personnes regardent, d’autres s’affairent avec des chaînes, de l’huile et des pneus. « C’est la première fois que nous sommes ici à Croix », glisse André Decoster, président de Busabiclou. « Les gens sont très intéressés », se réjouit-il. Avec son bus Busabiclou et l’association du même nom, il a déjà parcouru une bonne partie de l’est de la métropole de Lille, soit 40 visites en 2018. « Ici, la municipalité a bien annoncé notre arrivée, ce qui aide beaucoup. Quoi qu’il en soit, notre escale du jour est une réussite. »

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Un homme et sa fille s’approchent. « Je me débrouille pour quelques petites réparations, mais avec le dérailleur je ne m’en sors pas », explique le père. Une fois le vélo d’enfant suspendu, l’homme se met au travail avec l’aide d’un réparateur. Un peu plus tard, la bicyclette roule à nouveau normalement.

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Concentré, un autre homme bricole. Ensemble, nous discutons de la différence entre la culture cycliste belge et française. « Ce n’est pas une terre de cyclistes, affirme Sébastien Tarridec, la voiture continue à régner en maître sur la route. En tant que cycliste, il faut pouvoir s’imposer tout en étant prudent. Mais la situation est en train de changer. » Sébastien habite entre Croix et Roubaix. Il a enlevé la roue arrière d’un vélo Decathlon, une machine qui a manifestement de nombreuses années au compteur. « J’ai pu récupérer ce vélo et je le remets en état. J’aime chercher comment faire quelque chose par moi-même, mais là j’ai quand même besoin d’aide. » Encore une fois le dérailleur : il s’agit apparemment de la pièce la plus compliquée à régler. Sébastien se fait aider de temps en temps, sort des outils d’une boîte contenant du matériel mis à disposition des réparateurs.

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Certaines personnes viennent acheter un vélo. « Ce n’est pas l’objectif de notre activité », précise André Decoster. « Notre but est que les gens puissent réparer eux-mêmes leur vélo. Mais ces derniers temps, nous avons reçu énormément de bicyclettes à l’abandon que nous avons pu remettre en état. Nous avons donc commencé à les vendre. » Ne s’agirait-il pas d’une concurrence pour les ateliers de réparation de vélos ? « Notre objectif est que les gens effectuent les réparations eux-mêmes. Et puis, concurrencer qui ? Avant, il y avait 27 ateliers de réparation de vélos à Roubaix. Le dernier survivant a mis la clé sous le paillasson l’année passée. Et pour le reste, il y a Decathlon. »

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André Decoster a lancé Busabiclou en 2017. Cet ingénieur a travaillé dans l’aide au développement et a fait du bénévolat. « Je constate qu’on ne roule pas beaucoup à vélo dans notre région. La réflexion sur la mobilité doit encore être développée ici. Des initiatives sont déjà en préparation, ce qui est encourageant. On roule désormais plus à vélo qu’auparavant. La France a même un plan vélo. Nous voulons que la petite reine retrouve une place en ville. Je suis récemment allé à Copenhague. Là-bas, on voit ce que ça pourrait devenir ici. »

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« Parfois, se déplacer ou non à vélo dépend du simple fait qu’il n’est pas simple de faire réparer sa bicyclette. Une personne dont le vélo est cassé ne marchera pas plus de deux kilomètres pour se rendre chez un réparateur. Un soir, j’ai eu l’idée d’aller vers les gens plutôt que l’inverse. La solution était un atelier mobile. Un atelier dans lequel on apprend à réparer soi-même son vélo. »

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André n’en est pas resté à son idée nocturne : il a créé une ASBL. Il a ensuite cherché un bus. Il devait s’agir d’un modèle durable. « J’ai fini par le dénicher à Nancy. Un bus qui roule au gaz, ce n’est pas si facile à trouver. S’est ensuite posée une autre question : comment faire le plein du bus. Heureusement, j’ai reçu l’aide de Transpole, devenu entre-temps Ilévia, où il est possible de faire le plein de gaz. » Busabiclou a entamé l’aménagement du bus dès décembre 2017. En avril de l’année dernière, l’association a pu prendre la route pour la première fois avec son atelier mobile. « Vous savez ce que c’est, un busabiclou ? C’est un vieux vélo. Et c’est avec ces vélos que nous voulons travailler. Il y a beaucoup de pauvreté ici. Les gens n’achètent pas un vélo à 400 euros. »

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Entre-temps, l’équipe de Busabiclou est toujours très occupée avec les nombreux visiteurs. Un des membres de l’équipe travaille à temps plein. Ses collègues sont de jeunes hommes ayant le statut de « Service Civique », un travail volontaire qui peut être un tremplin vers l’emploi et qui est assorti d’une rémunération limitée. « Nous avons aussi des bénévoles qui nous accompagnent avec le bus ou nous aident dans notre atelier », précise André.

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Au moment où je m’apprête à partir, la roue arrière du vélo de Sébastien Tarridec est à nouveau fixée à son vieux vélo. « Je pense que tout fonctionne maintenant », dit-il avec satisfaction. « Il ne me reste qu’à mettre des pneus et je pourrai reprendre la route. »

Bart Noels

www.busabiclou.org

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