Quand j’ai rencontré Nicolas Destino, il rentrait de Miami Beach où il avait participé à une foire internationale d’art contemporain. Ce salon est, plus précisément, un des satellites, avec Hong Kong, du très réputé Art Basel. Une trentaine de degrés entre ici et là-bas et surtout une nouvelle visibilité pour le jeune designer né à…
L’effet domino
Très actif sur les réseaux sociaux, Nicolas Destino a prospecté pour se faire connaître au-delà des frontières européennes. Il s’est fait repérer via un nouveau projet de tableau design développé depuis 2 ans. « Une galerie a flashé sur mon travail, m’a contacté en me proposant de participer à la foire d’art contemporain, Scope » raconte modestement le jeune artiste. « A un moment il faut s’ouvrir à l’international. Tournai est une belle ville, très bien située mais le monde ne s’arrête pas ici. Et c’est vrai que Miami, les Etats-Unis, c’est un bon début. Des collectionneurs du monde entier s’y bousculent. Plus de 50.000 visiteurs. Une galerie de Los Angeles et un couple de Palm Beach, notamment, sont intéressés par une œuvre parce que le but de la foire est de vendre même si par discrétion les prix ne sont pas affichés » sourit-il « Et prochainement, la Galerie Rasson à Tournai exposera quelques uns de ces tableaux » Pas besoin donc de prendre l’avion pour contempler cette nouvelle facette de son travail.

Une vraie méthode de travail
« Par rapport à la conception d’un tableau ou de mobilier, j’ai depuis quelques années développé un réseau de professionnels, de fabricants et d’artisans qui maîtrisent parfaitement leur savoir-faire. Moi, je suis derrière eux pour toutes les étapes : je vérifie les teintes et les couleurs, je donne un cahier des charges très précis » explique Nicolas « Ils sont de Tournai et de la région mais je travaille aussi directement avec des entreprises comme DBI à Orcq, spécialisée dans les laques et qui a presté pour le « Bon Marché » à Paris récemment ou avec une boîte en Flandres, PPCI à Zwevezele qui a une maîtrise parfaite de la découpe laser des métaux, avec en interne une chaîne de peinture : ça fait 10 ans que je travaille avec eux et ce que j’adore, c’est que lorsque je vais réceptionner une pièce, je ne dois pas la retourner dans tous les sens pour voir si il y a des défauts. Je leur fais confiance les yeux fermés. Ce qui est génial c’est qu’ils produisent pour des grandes marques de luminaires de centaines de modèles et que souvent moi, je leur demande une pièce unique réalisée avec le même professionnalisme. Pour le travail du bois, je vais du côté de Bruxelles et là, je dois réaliser un trophée et j’ai trouvé un fournisseur à Dinant. C’est un cahier d’adresses qui se construit sur des années. »

Quand j’étais petit garçon…
Né il y a 37 ans, à Mouscron, installé à Dottignies avec ses parents, le petit Nicolas, plutôt solitaire, n’a jamais adhéré au football malgré les tentatives parentales.
Son quartier, pas trop urbanisé à l’époque, donnait sur les champs et l’exploration de la nature, avec son voisin, l’a absorbé pendant des heures : « ça a développé mon côté très manuel et observateur. On construisait des cabanes, des tentes… et ça s’est renforcé chez les scouts avec les balades de plusieurs jours, les nuits dans les granges, ça m’a rendu débrouillard » se souvient, avec nostalgie, Nicolas « J’étais fasciné par l’ingéniosité de MacGyver qui trouvait beaucoup d’astuces. Les Playmobils m’ont beaucoup influencé notamment l’univers lié au monde médical, ç’était d’ailleurs le thème de ma première collection. Mon père m’a rappelé aussi que j’aimais beaucoup dessiner, que je m’appliquais. Et puis ma grand-mère qui venait chaque vendredi à la maison amenait une revue flamande «Thuis» avec des maisons contemporaines qui m’impressionnaient énormément alors que mes parents avaient une déco sombre, très classique voire rustique ».

Les premiers pas dans le design
« Mon père a travaillé toute sa vie comme imprimeur à Mouscron. Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas mon truc, même si j’ai énormément de respect pour son travail. Et j’ai donc commencé St Luc Tournai en design, ça m’a permis de réaliser plusieurs travaux dont une chaise en lamellé/collé, la Pi. Chair qui a remporté un prix, une véritable reconnaissance extérieure dans un monde où ce n’est pas facile de faire sa place. Cela donne un élan incontestable à une carrière. S’en est suivi un prix pour l’échelle lumineuse à peine le cursus terminé » raconte le jeune homme qui a toujours tenu à ce que son design débouche sur un « objet fonctionnel réalisé en série, trois facteurs essentiels ».
Entre 2005 et 2010, son travail est exposé au Musée du Grand Hornu, au Musée du Cinquantenaire ou à l’Atomium. Il réalise le trophée du festival du film d’amour de Mons et du concours NRJ Startup. Il crée le plateau du journal et des débats de No Télé, la télévision régionale de Wallonie picarde. Il expose à l’Ambassade de Belgique à Paris durant la Paris Design Week en 2017.

La collection Belgique
« Cette collection avait déjà presque démarré avec la précédente liée au monde médical alors que les tensions entre Wallonie et Flandres étaient vives, il y a 10 ans. J’ai contribué à lancer un événement qui rassemble trois designers : wallon, flamand et bruxellois. J’ai toujours eu à cœur de promouvoir la Belgique et cette collection est née comme ça avec cette volonté de mettre le pays en avant : c’est un label, une marque de fabrique » explique le designer « Sur mes cartes de visite, il est inscrit « Nicolas Destino – Belgium », je le mets en avant comme récemment au Carrousel du Louvre ».

Et comment le public réagit il à cette ligne d’objets en Wallonie, en Flandres ou en France ?
« Il y a des visiteurs qui posent des questions, trouvent cela ludique, beaucoup reconnaissent directement les couleurs « noir-jaune-rouge » même si le noir domine. Ils sont interpellés parce que la démarche est atypique. D’ailleurs l’horloge est toujours présente au Musée BELvue dans ses collections permanentes. Et un exemplaire du « meuble.belge » avec la couronne est au Palais Provincial de Namur.
Un geste politique ? « S’unir plutôt que se déchirer. Je ne vois pas l’intérêt de se détruire intérieurement, il vaut mieux trouver une harmonie et rayonner à travers une belle image… et cette collection proposait une Belgique retravaillée, restylisée » conclut Nicolas Destino dans un sourire.
Aniko Ozorai

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- Rasson art gallery
- Galerie d’art, d’expositions, de peintures, sculptures et art contemporain
- Rue Derasse, 13
- 7500 Tournai
- www.rassonartgallery.be