Faire des affaires avec les Français: « Le respect est essentiel »

Pieter Dewaele accompagne les entrepreneurs sur le marché français

« Quand vous faites des affaires, la culture est primordiale. » Pieter Dewaele a écrit un guide à ce sujet destiné aux Flamands qui désirent se lancer sur le marché français: « Affaires met Fransen ». Avec son entreprise DewaFlex, il accompagne des entrepreneurs dans leur découverte du marché. « Les Flamands souhaitent aller beaucoup trop vite. Prenez le temps…

DewaFlex est implantée dans la périphérie de Roubaix, à l’Avenue Roger Salengro. Le musée du textile La Manufacture et le centre commercial L’Usine sont à un jet de pierre. L’immense complexe sportif de Roubaix est situé en face. « Regardez, c’est là que les coureurs de Paris-Roubaix rentrent dans le vélodrome », indique Pieter Dewaele, enthousiaste, depuis son bureau. Il me fait visiter le bâtiment, une combinaison de bureaux, de salles de réunion et d’un spacieux espace de rencontre. « Le bâtiment est une ancienne bonneterie de la famille Cavrois. Nous l’avons réaménagé. DewaFlex a été créée il y a presque 6 ans et nous sommes implantés à Roubaix depuis le début de l’année 2016. »

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Au cours de ces six ans, Pieter Dewaele a accompagné des dizaines d’entreprises sur le marché français. « Un Flamand qui parle français n’est pas un Français », prévient-il dès les premières pages de son livre. « Le respect est essentiel. Ainsi que la communication. Les Flamands souhaitent bien trop vite faire des affaires et ne prennent pas le temps d’apprendre à connaître la personne de contact. C’est pourtant ce qu’il faut faire si vous souhaitez avoir du succès dans ce pays. » Pieter jouit également de longues années d’expérience avec des entreprises allemandes et remarque une toute autre approche à ce niveau. C’est n’est pas bon ou mauvais, c’est juste différent. « Et en tant qu’entrepreneur, il faut pouvoir gérer ces différences ». Il illustre ses propos à l’aide de quelques dépliants: ceux destinés au marché allemand sont axés sur la technicité d’un produit, les dépliants destinés au marché français visent davantage l’expérience.

Adresse française, numéro de téléphone français

Tout le monde sait que les Français aiment les règles. La clarté, le respect de la hiérarchie et de bons accords sont fortement appréciés. « Tenez également compte du fait que les Français désirent avoir leur mot à dire et participer aux décisions. Ils détestent se voir imposer des choses », déclare Pieter Dewaele.

Les entreprises désireuses de s’aventurer sur le marché français doivent réellement être présentes dans le pays. « Nous conseillons à nos clients de créer une filiale en France, avec une adresse française et un numéro de téléphone français. » C’est crucial: le chauvinisme français existe encore bel et bien. Un chauvinisme qui a également des aspects positifs. « Précisément parce que vous allez travailler à un niveau très personnel, la personne et l’entreprise ne font qu’un. Si vous dites quelque chose de négatif sur une entreprise française, le gérant français le prendra également très personnellement. Je me sens également français dans cette optique », rigole Pieter. « Je prends aussi les choses de manière très personnelle quand quelqu’un nous dit avoir eu une mauvaise expérience avec nous. »

DewaFlex travaille beaucoup avec des étudiants qui encadrent les entrepreneurs belges dans les entretiens avec les partenaires français. « Ils entament l’entretien, établissent des liens et clôturent l’entretien. Ils veillent à ce que l’entretien se déroule correctement et à ce que les deux parties apprennent à se connaître de la bonne manière. »

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Respect et reconnaissance

« Faire des affaires avec du respect entre les deux cultures », DewaFlex prend cet adage très au sérieux. L’entreprise assure une forme de traduction, entre les objectifs d’une entreprise et le marché et sa culture. « Lorsque vous faites des affaires, la culture est essentielle. Qu’est-ce qui progresse sur le marché français?  Ce sont justement les entreprises qui tiennent compte de l’autre culture. » Comme Konvert par exemple, l’agence flamande d’intérim travaille au départ de Roubaix. Avec des travailleurs français, Konvert recrute avec un mobilhome sur le parking des agences pour l’emploi. « Cette approche spécifique est réellement cruciale. On ne peut pas simplement lancer une activité en France au départ de la Belgique. Cela ne fonctionne pas comme ça. Si vous n’avez pas la patience ou si vous n’êtes simplement pas fait pour ça, il est préférable de se faire aider », déclare Pieter.  

Le respect et la reconnaissance sont cruciaux dans les contacts avec les Français. Un principe qui s’applique non seulement au monde de l’entreprise, mais également aux réseaux publics et aux contacts entre les citoyens. « Dans un entretien avec un acheteur allemand, on parle de faits et de chiffres. La transaction est le résultat d’une addition. Ici en France, il s’agit d’établir de bonnes relations, d’obtenir la confiance. C’est la raison pour laquelle on ne marchande pas beaucoup sur les prix. La reconnaissance, le respect et la confiance prévalent. Le prix va de pair avec la qualité, qui doit être correcte. Si un Français met un terme aux relations que vous entretenez avec lui, il ne faut dès lors pas insister. Ce blocage peut d’ailleurs être très subtil. Il faut également apprendre ces codes. »

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« Les Flamands sont plus relax »

Dans les bureaux de DewaFlex, néerlandais et français se côtoient. Dans un des bureaux sont réunis des collaborateurs étonnamment jeunes. Ce sont des jeunes qui étudient le droit et l’économie et travaillent en même temps pour DewaFlex. Ils prospectent, accompagnent les entrepreneurs, donnent des conseils et mènent des entretiens. « Je suis un fervent partisan de l’apprentissage en alternance », déclare Pieter Dewaele. « Saviez-vous que soixante pour cent des étudiants de Lille sont dans ce système? C’est ainsi qu’on forme des étudiants qui savent comment fonctionne le monde lorsqu’ils obtiennent leur diplôme ».

Les étudiants chez DewaFlex viennent de Roubaix, de Lille et des larges environs. Je leur demande ce qu’ils pensent des Flamands. « Vous êtes moins rigides, plus « cool » », plus relax, cela semble positif. Mais également: « Les Flamands devraient faire davantage l’effort d’apprendre à connaître d’autres cultures. »

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Aller de temps à autre chercher de l’eau à Auchan ne suffit pas. On n’obtient rien avec un contact superficiel. « Ne vous trompez pas, les références sont souvent tout à fait différentes », poursuit Pieter. « Les Flamands connaissent peut-être le vélodrome, La Piscine et la Villa Cavrois. Mais nos étudiants ne considèrent pas ces endroits comme des pôles d’attraction, ils sont plus connus chez nous que chez eux. Ils ont des préoccupations tout à fait différentes. Et nous devrions apprendre à davantage les connaître. Découvrir ce qui est important pour l’autre. »

Bart Noels

Affaires met Fransen. Doeltreffend zakendoen in Frankrijk, Pieter Dewaele, Uitgeverij Bibliodroom, 2018

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