Habitat Défi-Jeunes : rendre les jeunes vulnérables « plus motiles »

La motilité. Non, ce n’est pas une faute de frappe. Il ne s’agit pas d’une énième lamentation au sujet des problèmes de mobilité. Pour le sociologue suisse Vincent Kaufmann, la motilité, c’est la combinaison de la motivation et de la mobilité. À tous ceux qui se disent déjà « c’est reparti pour un laïus au…

Intenses, les échanges le sont. Il fait très chaud dans le local où s’affairent quelque 25 étudiants en travail social de la haute école VIVES et de l’ISL – Institut Social de Lille. Ici, c’est clair, on travaille, on sue, on patauge, on débat, on pèse le pour et le contre, on avance en roue libre, on réfléchit de manière critique, on rejette des idées avant de les reprendre… et on rit aussi. C’est le quatrième jour d’une semaine entière d’échanges transfrontaliers dans le cadre du projet Interreg Habitat Défi-Jeunes.

Apprendre à connaître les possibilités de l’autre côté de la frontière

Avec ce projet, les établissements d’enseignement VIVES, ISL et HELHa (Haute École Louvain en Hainaut), en collaboration avec d’autres partenaires, veulent aider des jeunes vulnérables de 18 à 30 ans de notre région frontalière à chercher et à trouver leur place par-delà la frontière. Une place au sens propre, sous la forme d’un logement, ou au sens figuré, sous la forme d’une formation appropriée ou d’un emploi. Cette recherche n’est pas facile, surtout pour des jeunes vulnérables et en particulier s’ils veulent s’installer dans une région qui n’est pas leur région d’origine. De plus, les éducateurs et les travailleurs sociaux ne sont souvent pas familiers avec la législation, le cadre propice, etc. de l’autre côté de la frontière.

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« Avec Habitat Défi-Jeunes, nous voulons changer cela », explique Ellen Vandenbogaerde, chercheuse à la haute école VIVES. « La motilité doit être plus importante ; nous devons veiller à ce qu’un plus grand nombre de jeunes puissent se familiariser avec l’espace transfrontalier. Pour ce faire, nous travaillons sur trois fronts. Le premier concerne les emplois. Dans ce contexte, les partenaires contribuent à améliorer l’afflux de jeunes vulnérables sur le marché du travail international. Le deuxième porte sur la mobilité : nous développons une application pour informer les jeunes en ce qui concerne l’enseignement, l’emploi et le logement de part et d’autre de la frontière. Le troisième et dernier pilier concerne la formation. D’ici à la fin du projet, nous voulons intégrer un module de formation transfrontalier, stages inclus, à la formation en travail social, dans notre établissement, mais aussi à l’ISL et à l’HELHa. Ainsi, les futurs travailleurs sociaux apprendront directement à connaître les possibilités de l’autre côté de la frontière et ils seront en mesure de fournir un meilleur soutien transfrontalier aux jeunes. »

Base pour un module de formation transfrontalier

« Officiellement, le projet a débuté en avril de cette année, mais il faut un peu de temps pour que tout se mette en place d’un point de vue organisationnel, pour apprendre à bien connaître les partenaires, pour définir les actions concrètes, etc. Avec une semaine transfrontalière, nous réalisons pour la première fois un véritable test. Elle constitue la base de ce qui doit devenir un module de formation à part entière dans le domaine du travail social, avec des conférences internationales, des visites transfrontalières pour observer les meilleures pratiques et, surtout, de nombreux ateliers au cours desquels les étudiants travaillent ensemble par-delà les frontières pour trouver des solutions. »

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Comme lors de toute bonne répétition générale, il y a çà et là un petit accroc : les transports en commun transfrontaliers s’avèrent manquer de fluidité, la technologie d’interprétation refuse parfois de fonctionner et l’environnement numérique d’apprentissage Toledo est un peu réticent au contexte transfrontalier. L’évaluation des réactions des étudiants est aussi un peu laborieuse. « Interessant », dit-on côté flamand. Côté francophone, les étudiants estiment que l’expérience est « enrichissante ». Mais quand on insiste, il devient vite clair que ce ne sont pas des réponses expéditives. Au contraire, ce sont des réactions inspirées par une semaine d’apprentissage intense, fatigante, mais surtout surprenante.

« Choqués par notre ignorance »

Tout cela doit encore un peu décanter, mais tant la thématique sur laquelle ils travaillent que l’approche transfrontalière ont clairement touché les étudiants.

« Nous sommes quand même choqués par notre ignorance, des deux côtés de la frontière. La distance est si faible, et pourtant nous en savons plus ce qu’il se passe à l’autre bout du monde que sur nos voisins de l’autre côté de la frontière. C’est une bonne chose que cette initiative se concentre précisément sur ces voisins proches : nous avons encore beaucoup à apprendre les uns des autres. »

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« La barrière de la langue est pénible ; nous l’avions sous-estimée. Il y a beaucoup de contenu intéressant et de nombreux orateurs internationaux de qualité, mais la terminologie anglaise n’est pas évidente et c’est frustrant de sentir qu’on ne comprend pas toutes les subtilités. Nous devons encore travailler sur ce point. »

« Sur le plan politique, il y a quelques différences. Une région travaille déjà de manière plus ascendante et pragmatique qu’une autre, mais les différences sont souvent liées à une évolution historique différente. Cependant, on est partout très soucieux de donner une seconde chance aux jeunes vulnérables. Cela se voit et se sent lors des visites pratiques. Quelle que soit l’origine des jeunes, il existe dans chaque région de nombreuses initiatives qui les aident à mettre leur vie sur les rails. Nous souhaitons y contribuer. »

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Vus sous cet angle, les mots « intéressant » et « enrichissant » apparaissent soudain beaucoup moins plats. Surtout quand les élèves, malgré les quatre jours fatigants qu’ils viennent de vivre, recommencent à discuter avec enthousiasme en groupe pour mettre au point leur mind map d’idées pour une meilleure motilité chez les jeunes vulnérables. Or, cette carte cognitive doit être au point, car au cours de la dernière journée de la semaine transfrontalière, ils doivent la présenter à leurs condisciples. Il plane donc une certaine nervosité dans l’air. Heureusement, après la présentation, un « world café  » est organisé en clôture de la semaine. Lors de celui-ci le networking spontané se jouera des barrières linguistiques et autres.

Conny Van Gheluwe

Habitat Défi-Jeunes est un projet dans le cadre d’Interreg France-Wallonie-Vlaanderen. Pour plus d’informations, consultez le site : www.habitat-defi-jeunes.eu.

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