Ce dimanche j’ai rendez-vous pour une randonnée urbaine organisée par l’association le Non-Lieu afin de comprendre comment la dynastie Cavrois a contribué à la construction et au développement de la ville de Roubaix et de son industrie.
Premier jour d’automne oblige, une pluie battante me rappelle que l’été est bel et bien fini. Seulement voilà, en ce dimanche matin très, très pluvieux, j’ai un peu de mal à motiver mes enfants pour un parcours à pied de 5 heures au travers d’éléments majeurs témoins de la conquête du territoire roubaisien par l’industrie textile. Ils protestent, font la moue et traînassent. Arrivés au point de départ le groupe de randonneurs s’en est déjà allé. Nous nous retrouvons seuls, sous nos parapluies dans une ville que je connais très peu. Que faire ?

La Villa Cavrois
Puisque le Non-Lieu nous a promis de partir à la découverte de la dynastie Cavrois, nous nous dirigeons depuis le centre de Roubaix vers la Villa Cavrois en espérant rattraper la bande de randonneurs. Suivant les indications “Villa Cavrois” nous passons par de magnifiques quartiers, l’architecture des maisons d’époque nous charme, nous longeons le remarquable Parc Barbieux. Dans une allée bordée d’arbres nous apercevons la silhouette moderne de la Villa Cavrois. Nous sommes pantois… Enfin, les visages de mes bambins s’éclaircissent ! Quel superbe château moderne !
C’est donc là, en périphérie du centre de Roubaix que Paul Cavrois, industriel textile du début du XXe siècle a fait construire sa demeure. Sur le terrain de ce monument classé historique, pas de trace des Non-Lieusards… Je me rappelle avoir lu dans l’invitation que le casse-croûte allait se prendre à l’usine Cavrois-Mahieu. Renseignements pris, l’usine se trouve à 3 kilomètres de la villa, la bourgeoisie industrielle a éloigné ses résidences de ses usines.

Casse-croûte à l’usine Cavrois-Mahieu
Enfin ! Notre groupe ! Devant ce qui reste de l’usine Cavrois-Mahieu, une soixantaine de randonneurs urbains tournent la tête en direction de la cheminée d’usine que l’un des deux guides du Non-Lieu vient de pointer. N’appelait-on pas jadis Roubaix la ville aux 1000 cheminées ?
Midi. L’heure du casse-croûte. ” Pour le déjeuner nous vous ouvrons les portes de l’usine qui est l’autre joyau de la famille Cavrois” dixit notre guide. Installés pour la pause déjeuner dans l’ancienne chaufferie de l’usine, nos hôtes nous content l’histoire des lieux. ” Cet endroit est le témoin de l’aventure industrielle de la famille Cavrois, mais aussi des milliers d’ouvrières, ouvriers et cadres qui y ont travaillé de 1887 à 2000, année où l’activité textile a définitivement cessé.”
Le site conserve l’ancienne chaufferie de l’usine, les ateliers d’électricité et de plomberie, l’ancienne forge, le magasin et un couloir menant à la cheminée d’usine. “L’entreprise est un fleuron de la mémoire collective roubaisienne. ” nous précisent les Non-Lieusards. ” N’hésitez pas à vous balader dans l’usine.”
Sur une table d’origine sont exposés des photos de la famille Cavrois ainsi que de la dernière acheteuse de l’usine, des factures, des catalogues avec des échantillons de tissage de laine pour costumes d’homme, des rubans, de la peinture, … “Il pleut à l’intérieur !” s’exclame un membre de l’association. La pluie incessante s’est frayé un chemin jusque dans le cœur de l’usine, mouillant quelques objets d’antan que le Non-lieu s’efforce de conserver.

Les Non-Lieusards
Les locaux de l’association “le Non-lieu” qui sont situés dans l’usine, sont les vestiges de l’entreprise. “Menacée de démolition, la parcelle a été rachetée par l’association en 2000, ” nous explique Olivier Muzellec, un des membres fondateurs du Non-Lieu. ” Nous voulons défendre ce site dont l’intérêt patrimonial est évident. Faire vivre artistiquement et culturellement le lieu est notre ambition. Dans l’usine se trouvent 5 espaces-ateliers permanents. Le Non-Lieu organise régulièrement des événements dans l’usine et hors de ses murs.” Je suis séduite par la formule adoptée par le Non-Lieu ; en donnant à l’usine une nouvelle affectation, les Non-Lieusards conservent notre histoire patrimoniale tout en la faisant vivre.
En quittant le Non-Lieu ma fille me demande si ce sont les mêmes personnes, si c’est vraiment la même famille qui habitait la magnifique Villa et qui dirigeait cette usine ? J’acquiesce. Pour elle, le contraste entre les deux sites est abracadabrand. Pour moi, entre les deux mon cœur balance.
Texte & photos: Marie-Hélène Willems