Entretien avec Anastasia Delbecque à propos du logement d’étudiant en 2018
On voudrait presque avoir déjà plus de 50 ans. Car l’histoire d’Anastasia Delbecque donne envie d’entrer sans attendre dans le système d’1Toit2 ges. Or, il faut avoir plus de 50 ans pour être personne d’accueil. Heureusement, il existe aussi une formule pour les familles avec enfants. Principal critère : être ouvert à une rencontre bénéfique…
Cela paraît simple. Et presque trop beau pour être vrai. Mais Anastasia Delbecque nous prouve que cela fonctionne vraiment. Elle est la coordinatrice de cette initiative à Tournai. L’asbl 1Toit2Ages a été fondée il y a dix ans à Bruxelles. Depuis, des antennes sont apparues dans pratiquement toutes les villes étudiantes de Wallonie. Celle de Tournai vient d’entamer sa troisième année académique. Encadrant une vingtaine de « binômes » enthousiastes, 1Toit2Ages brise complètement le cliché des propriétaires mêle-tout et des étudiants fêtards.
« Nous voulons créer des liens entre les générations, dans une ambiance de rencontre décontractée et de respect pour la vie privée de l’autre. C’est une formule simple où tout le monde est gagnant : elle permet de rompre la solitude tant des personnes âgées que des étudiants, et offre à ces derniers un environnement stimulant. De plus, les propriétaires reçoivent un complément de revenu, tandis que l’étudiant locataire peut louer à un prix avantageux », explique Anastasia Delbecque.

Identifier les attentes
L’aspect financier ne doit toutefois pas être la première raison d’intégrer le système. Anastasia rencontre tous les candidats intéressés lors d’un entretien individuel. Elle peut ainsi s’assurer qu’ils sont ouverts à une véritable cohabitation, et pas simplement attirés par un système de location avantageux. Deux formules de cohabitation sont possibles : « Dans la formule classique, l’étudiant verse une indemnité d’occupation de 200 à 300 euros par mois, et s’engage uniquement à être un bon colocataire. Mais nous avons aussi une formule services, dans laquelle l’étudiant paie 180 euros par mois et rend quelques services. »

Lors de ces premiers entretiens, Anastasia cherche d’abord à connaître la motivation des candidats, leurs attentes, ce qu’ils sont capables de, ou disposés à faire pour l’autre partie… « Les étudiants passent me voir au bureau, à la Maison de l’Habitat. Quant aux personnes qui souhaitent proposer un logement, c’est moi qui leur rend visite. Je peux ainsi me rendre compte de l’atmosphère qui règne sur place, et voir si le logement peut convenir. Ensuite, j’établis un profil, à la fois technique (le logement est-il loin de l’établissement d’enseignement, y a-t-il des transports publics à proximité ou l’étudiant dispose-t-il d’une voiture ?) et personnel (afin de bien identifier les attentes, les intérêts, mais aussi le caractère : s’agit-il d’une personne bavarde ou plutôt renfermée ?) »
« De cette manière, je peux chercher les profils qui se correspondent le mieux et organiser une rencontre entre les candidats. Celle-ci se déroule en mon absence, mais j’encourage préalablement les deux parties à se montrer très ouvertes et à poser des questions. L’une comme l’autre savent qu’elles sont libres de refuser après cet entretien. Le cas échéant, j’examine les raisons du refus et je cherche de nouveaux profils correspondants. En cas d’acceptation, nous nous réunissons tous les trois et parcourons la convention, afin que tout soit également en règle d’un point de vue légal. Ensuite, l’aventure peut commencer ! »

Un parcours aventureux
Anastasia suit les binômes tout au long de l’année académique, mais l’aventure se déroule presque toujours sans incidents. Souvent, les choses se passent si bien que les deux parties prolongent la cohabitation l’année suivante. « Certains éléments reviennent dans tous les témoignages : le plaisir de la rencontre, de partager ensemble une maison et un foyer. Pour les personnes âgées, il s’agit souvent de rompre la solitude. Elles se sentent plus en sécurité, et les jeunes leur permettent de rester en phase avec leur époque. Pour les étudiants, ce système constitue une étape rassurante entre le nid parental et la liberté totale, un refuge qui incite à l’étude, ce qui est aussi tout bénéfice pour les parents ! »
Les participants sont loin de se limiter à des personnes âgées dépendantes et à des étudiants traditionnels, comme le montrent les exemples cités par Anastasia : « Nous avons un médecin qui héberge depuis deux ans un étudiant en kinésithérapie venant du sud de la France. L’étudiant fait désormais partie de la famille, et les deux familles se sont déjà rendu visite en vacances. Une autre famille d’accueil est composée d’un couple de pensionnés actifs vivant à la campagne. Ils ont choisi la formule services, et demandent essentiellement de nourrir le chat et de lui tenir compagnie en leur absence. Leur étudiant adore la nature, il est donc comblé par le cadre rural. Il y a aussi un couple de sexagénaires qui travaillent. Ils hébergent un étudiant du Pérou. Celui-ci étudie en France, mais il effectue actuellement un stage auprès d’une entreprise de transformation de pommes de terre des environs. Le week-end, ils l’emmènent avec eux et lui font découvrir la Belgique. »
Une chose est sûre : en dépit des différences entre les participants et entre les motivations qui les animent, chacun d’entre eux signe pour un parcours aventureux, dont il est très satisfait a posteriori. 1Toit2Ages revisite complètement la formule classique propriétaire-étudiant locataire. En cette époque où les amitiés sont de plus en plus virtuelles, l’asbl constitue un plaidoyer salutaire pour une véritable deuxième maison. Nous sommes fans !
Texte : Conny Van Gheluwe
Photos: 1Toit2Ages & Lukas Noels
Pour de plus amples informations, consultez le site www.1toit2ages.be.
1Toit2 ges organise aussi un congrès international sur la cohabitation intergénérationnelle les 21 et 22 mars 2019 : www.hiworldcongressbrussels2019.com.